« Brachy » signifie court et « céphale » signifie tête.
Les chiens dits brachycéphales sont ainsi ceux présentant une morphologie spécifique avec un crâne plus court, leur donnant une apparence de « tête écrasée ». A cette structure osseuse stoppée dans sa croissance, s’associe un ensemble de tissus mous qui ont eu, eux, un développement complet. Cette anatomie particulière peut être à l’origine de certains troubles en fonction de la sévérité de l’atteinte de certaines structures.
Le syndrome brachycephale chez le chien
Le 08 février 2023
Sommaire
- 1. Le syndrome brachycephale chez le chien
- 2. Quelles races sont concernées ?
- 3. Qu’est ce que le syndrome brachycéphale ?
- 4. Les pathologies respiratoires
- 5. Les pathologies digestives
- 6. Quelles conséquences fonctionnelles ?
- 7. Diagnostic
- 8. Quand savoir si une intervention est nécessaire ?
- 9. Quels actes chirurgicaux ?
- 10. Conseils au quotidien
Le syndrome brachycephale chez le chien
Quelles races sont concernées ?
Les races brachycéphales incluent :
- Bouledogue Français
- Bulldog Anglais
- Bouledogue américain
- Carlin
- Boston Terrier
- Boxer
- Shi-tzu
- Lhassa Apso
- Dogues (Argentin, Bordeaux)
- Mastiff
- Cavalier King Charles
Parmi ces chiens, les bouledogues français et anglais ainsi que les carlins sont les plus atteints cliniquement.
Qu’est ce que le syndrome brachycéphale ?
Le syndrome brachycéphale fait référence à un ensemble d’anomalies anatomiques des voies respiratoires supérieures retrouvées chez ces races-là. Des atteintes respiratoires sont observées ainsi que des attentes digestives.
Les pathologies respiratoires
L’entrée des narines
On retrouve une sténose des narines avec un raccourcissement et un épaississement de l’entrée de celles-ci. Le passage de l’air est alors modifié et parfois entravé. L’aile nasale, qui se prolonge à l’intérieur des narines, est une partie très mobile chez les chiens sains lors de la respiration. Chez le chien brachycéphale, cette région est augmentée de taille, limitant sa mobilité et aggravant ainsi la sténose localement.
Pour un diamètre diminué de moitié par rapport à un chien sain, la pression demandée au passage de l’air est 16 fois supérieure ! Certaines races (boxer, shitzu), un enroulement de la truffe peut être observée très jeune pouvant impliquer une chirurgie précoce.
La muqueuse nasale
La muqueuse nasale assure trois fonctions distinctes chez le chien : respiratoire, olfactive et thermorégulation. Suite à une hyperplasie générale de la muqueuse nasale et de ces différents replis, le passage de l’air à nouveau obstrué. Les carlins sont prédisposés à cette sténose des cavités nasales / choanes.
Le naso-pharynx et pharynx
Le pharynx possède des rôles dans la respiration, la déglutition et dans la vocalisation. Cette région anatomique représente le carrefour des voies respiratoires et digestives, impliquant une coordination neuromusculaire délicate.
Le palais mou ou voile du palais correspond à l’extension caudale du palais dur. Chez les chiens brachycéphales, on peut observer un allongement et épaississement du voile du palais, entrainant une obstruction potentiellement complète du nasopharynx.
La plupart des brachycéphales possèdent une langue proportionnellement trop longue et surtout trop épaisse, soit une macroglossie, c’est particulièrement marqué chez les bouledogues.
L’augmentation de volume des parties « molles » du pharynx entraine une constriction des voies aériennes pharyngées et ainsi des conséquences fonctionnelles sur la respiration. Chez le cavalier king charles, une ulcération des amygdales peut être à l’origine d’obstruction du passage de l’air. Plus rarement, des sialocèles naso-pharyngés (masse remplie de salive) sont observés.
Le larynx
Anatomiquement, deux types d’anomalies se distinguent. Chez le carlin, on observe un phénomène de collapsus laryngé secondaire à un manque de rigidité du cartilage. A l’entrée du larynx, certaines parties des cartilages aryténoïdes (processus cunéiforme et cuniculé) entrent dans la lumière laryngée. Cette anomalie est due à une flaccidité sévère de l’épiglotte et des cartilages aryténoïdes et à excès de membrane muqueuse. Cela provoque ainsi un gène à l’inspiration.
En comparaison, le Bouledogue français présente un cartilage laryngé rigide sans excès de muqueuse. Une tendance au laryngocoele (dilatation du saccule du ventricule laryngé) peut être observée chez cette race.
Un granulome inflammatoire des cordes vocales s’observe secondairement à des reflux gastro-œsophagiens fréquents.
La trachée et les bronches
Ici encore l’anatomie de la trachée diffère entre le Carlin et les bouledogues. Chez le Carlin, la flaccidité du cartilage osseux entraine une modification de la forme de la trachée (trachéomalacie). A l’endoscopie, des images comparables avec un collapsus laryngé sont observées. Chez les bouledogues (anglais surtout), l’anomalie est autre avec une réduction générale du diamètre trachéal soit une hypoplasie trachéale.
Les mêmes anomalies sont observées sur les bronches.
Les pathologies digestives
Œsophage / estomac
Une pression négative importante est présente à tous les étages de l’appareil respiratoire afin de faire rentrer et passer de l’air des narines jusqu’aux poumons. Cette forte pression retrouvée sur le diaphragme peut entrainer un élargissement du hiatus oesophagien et par conséquent favoriser une hernie hiatale, soit le passage d’une partie de l’estomac dans le thorax. Ces anomalies expliquent parfois les vomissements chroniques rencontrés chez les chiens atteints d’un syndrome brachycéphale marqué.
Certains chiens développent une hyperplasie / sténose du pylore favorisant des reflux gastriques et ainsi des oesophagites de reflux. Ceci augmente le risque de fausse déglutition et donc de bronchopneumonie.
Quelles conséquences fonctionnelles ?
Collapsus fonctionnel
Le collapsus du nasopharynx s’explique par l’association d’une compression extérieure et d’une pression négative intérieure.
La malformation cranio-faciale des chiens brachycéphales amène à une série de facteurs favorisant une compression du nasopharynx :
- raccourcissement du crâne / tissu intracrânien proportionnellement plus long
- augmentation de volume tissulaire (lors d’obésité par exemple)
- hypertrophie des tonsils et macroglossie repoussant dorsalement le voile du palais
L’expansion du thorax entraine physiologiquement une pression négative et un flux d’air à travers les narines, le nasopharynx et la trachée. Chez le chien sain, quelque soit l’intensité de l’inspiration, le nasopharynx ne collabe pas et le passage de l’air est assuré. Chez le chien brachycéphale, la pression négative dans le nasopharynx et dans le thorax est amplifiée par la sténose des narines, du vestibule nasal et par l’hypertrophie de la muqueuse nasale.
Thermorégulation
Contrairement à l’Homme, le chien ne sue pas. La thermorégulation se fait par le biais de l’halètement et plus précisément via les cavités nasales. Ces dernières jouent un rôle dans la respiration, l’olfaction et la thermorégulation. En effet les cavités nasales du chien sont plus vascularisées et on retrouve une glande latérale nasale, qui permet l’évaporation et ainsi l’abaissement de la température. Ainsi, chez le chien brachycéphale, compte tenu de la diminution de surface d’échange entre l’air et la muqueuse nasale, la thermorégulation se fait moins bien.
Un animal présentant un syndrome brachycéphale ne présente pas nécessairement toutes les anomalies citées. Certains chiens sont plus atteints que d’autres dès la naissance et cet ensemble forme un cercle vicieux de par les efforts permanents requis pour compenser ces déficits d’apport en air.
Présentation clinique
Chez les chiens légèrement atteints, les premiers éléments observés par les propriétaires sont la respiration forte, bruyante surtout après l’exercice. En général des ronflements sont entendus au repos/sommeil par intermittence voir en permanence.
Des chiens plus atteints présentent une respiratoire plus bruyante et une intolérance à l’effort. Ils peuvent parfois présenter des épisodes de syncope post effort. Associé à cela, peuvent être observés : de la toux, des raclements de gorge, crises d’étouffement et des épisodes de vomissement.
Suite aux efforts supplémentaires demandés à l’appareil respiratoire, une sollicitation plus importante du cœur se fait et à terme il est possible d’observer des signes d’insuffisance cardiaque.
La plupart des chiens sont diagnostiqués de ce syndrome brachycéphale respiratoire entre 1 et 4ans, sans prédisposition du sexe. Les animaux avec plusieurs types d’anomalies vont présenter des symptômes à un plus jeune âge.
Diagnostic
Ce syndrome est diagnostiqué sur base raciale du chien, des signes cliniques observés et de l’examen clinique. Certaines anomalies peuvent se confirment facilement (sténose des narines, macroglossie), d’autres impliquent une sédation voir anesthésie générale (voile du palais, collapsus laryngé).
Lorsque des épisodes fréquents de syncope sont rapportés, il est recommandé d’effectuer une échographie cardiaque afin de s’assurer du bon fonctionnement du cœur.
Lorsque des troubles digestifs sont rapportés, il est recommandé de faire une endoscopie digestive afin d’évaluer l’œsophage et la cavité gastrique.
Au vu du nombre important d’anomalies qu’il est possible de retrouver chez ces races, un examen tomodensitométrique (scanner) peut être recommandé afin de préparer plus précisément la chirurgie ou lorsque le diagnostic n’est pas clairement établi ou encore lorsque des signes cliniques respiratoires importants réapparaissent.
Quels traitements à notre disposition ?
Les animaux avec des signes cliniques légers à modérés peuvent être gérés par traitement dit « hygiénique » :
- Gestion du poids
- Gestion des exercices
- Environnement adapté
Lors d’épisode de détresse respiratoire, des traitements à base d’antiinflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens associés à de l’oxygénothérapie sont efficaces mais ils ne permettent pas de supprimer la pathologie sous jacente. Chez les animaux atteints de façon modérée à sévère, seuls les traitements chirurgicaux amènent une amélioration significative à moyen/long terme.
Quand savoir si une intervention est nécessaire ?
Il n’est pas indiqué de vous rendre dans une clinique vétérinaire afin d’opérer un chien avant l’âge adulte (idéalement à partir de 1.5ans) car les tissus mous continuent de croitre et un même animal pourrait avoir besoin d’une seconde opération. Cela n’est recommandé que si le jeune animal présente des difficultés respiratoires marquées. Une fois l’animal adulte, la décision d’une chirurgie se base sur la clinique de l’animal et son mode de vie. Sur les races souffrant plus de leur conformation, le syndrome brachycéphale entraine un risque anesthésique 2,5 fois augmenté par rapport aux autres chiens. Les opérer au bon moment permet de réduire ce risque.
Quels actes chirurgicaux ?
La Rhinoplastie
Cela consiste en l’excision en coin de la partie frontale de l’aile nasale.
(Ci contre : photo d’une rhinoplastie en cours, la narine gauche a été opérée, la droite non)
La Palatoplastie
Excision en longueur et en épaisseur du voile du palais. PHOTO hub
(Ci contre : photo d’une voile du palais suturé sur lui-même après avoir été désépaissi)
– Retrait des saccules laryngés : Ces derniers ne sont retirés que lors d’atteinte sévère.
Gestion postopératoire
L’environnement de ces chiens doit demeurer le même avant et après chirurgie. En effet la chirurgie ne permettant d’agir que sur certaines anomalies, les difficultés respiratoires et risques associés restent présents.
Le pronostic chirurgical dépend de la sévérité de l’atteinte (nombre d’anomalies anatomiques présentes) et de l’âge du chien. Les complications principales incluent un œdème des voies respiratoires, une bronchopneumonie par fausse déglutition et des troubles digestifs accentués.
Quelque soit le stade clinique, une intervention appropriée permet une nette amélioration de la qualité de vie de ces animaux.
Conseils au quotidien
- Utiliser un harnais plutôt qu’un collier
- Lutter contre la prise de poids
- Ne pas faire reproduire un animal présentant un syndrome brachycéphale modéré à important.
- Éviter les sorties lors de fortes chaleurs et ventiler / utiliser la clim à l’intérieur.
- Pas d’exercice intense si l’animal présente une intolérance à l’effort.
Docteur Vétérinaire Ferembach
Responsable du service Chirurgie VETINPARIS